Pôle Patrimonial Professionnel

Par Jean-Noël Chaumont

L’année 2010 a encore confirmé l’engouement sans limite des épargnants français pour les fonds en € comme véhicule principal et quasi-exclusif de leur contrat d’assurance-vie. Ainsi, la nouvelle collecte réalisée en 2010, ainsi que les encours globaux qui représentent aujourd’hui plus de 1.300 Milliards d’€, sont investis à plus de 85 % sur les fonds garantis en €.
Jusqu’en 2009, les performances régulières et supérieures à l’inflation de ces fonds rassuraient les épargnants, surtout dans un contexte boursier versatile ayant connu deux dépressions majeures, en 2001/2002 puis en 2008. Et il faut bien reconnaître que sur le long terme, apprécié par exemple sur les 15 dernières années, seuls les fonds en € offraient une protection voire une progression du capital investi, et ce sans aucun souci de gestion de la part des investisseurs !
Les premiers résultats des participations aux bénéfices distribuées au titre de l’année 2010 pourraient bien illustrer un renversement historique de cette tendance positive. Nombre de contrats « majeurs » du marché annoncent des performances inférieures de 50 à 70 points de base, ramenant la performance nette de frais de gestion aux alentours de 3.50 %, ce qui, inflation et prélèvements sociaux déduits, établit la performance réelle à environ 1.5 % maximum…
Que peut-on espérer pour les années à venir ? Plusieurs dangers planent sur la performance attendue de ces fonds :
-Les obligations détenues majoritairement dans les actifs (cantonnés ou généraux) des assureurs ne présentent plus forcément la même sécurité que par le passé : les obligations souveraines sont susceptibles pour certaines (Grèce, Irlande, voire Portugal, Espagne…) de faire l’objet de moratoire voire de non remboursement définitif, les obligations « corporate » certes rémunératrices et dopantes pour le rendement du fonds en € restent fortement soumises aux aléas économiques (que ce serait-il passé si des entreprises émettrices comme GM, Ford ou Chrysler avaient sombré en 2008 ou 2009 ?)…
– Certains actifs sont assez largement investis sur des fonds structurés (jusqu’à 10 % de leur actif) dont la sortie à 2 à 5 ans peuvent réserver quelques mauvaises surprises, les garanties initiales sur le capital ayant disparu avec les baisses conséquentes de leur benchmark…
– La poche « actions » certes limitée à quelques pourcents est devenue tellement volatile que les assureurs ont du mal à gérer les plus-values dégagées sur le court terme.
A cela s’ajoute aussi les contraintes liées aux règles prudentielles de Solvency II applicables dès l’exercice 2012 : cela se traduira sans aucun doute par plus de provisions, plus de capitaux propres (on évoque un coût en Fonds propres pour les assureurs-vie français de l’ordre de 20 Milliards d’€…) et sans doute, en compensation, une augmentation des frais de gestion des contrats…
Aussi, il est tout à fait prévisible que l’orientation à la baisse de rémunération constatée pour l’exercice 2010 perdure ces prochaines années. Une hausse possible (probable ?) des taux longs pourrait aussi accroître cette tendance, car celle-ci aurait à la fois une conséquence positive sur les futurs versements (plus rémunérateurs) mais aussi négative sur le « stock » détenu en portefeuille (avec sa corrélation en provisionnement « Solvency II)…
Dès lors, un rendement net inférieur à 3 % parait être un scénario probable… Quelles alternatives s’offrent à l’investisseur ?
Si l’inflation revient  sur le devant de la scène, les taux courts pourraient remonter vers les 3 à 4%, et ainsi les U.C. investies en fonds monétaires pourraient suppléer partiellement les fonds en €. D’autre part, les fonds diversifiés, pilotés dans la perspective d’offrir une rémunération régulière avec un minimum de volatilité sur le capital investi (type Carmignac Patrimoine) offrent aussi une alternative intéressante. Mais cette fois, sans garantie formelle sur le capital… ce qui naturellement déroute l’épargnant habitué (drogué ?) au capital garanti.
Enfin, si les taux obligataires remontaient significativement au-dessus de 4 %, gageons que les assureurs sauront développer des fonds structurés garantis à terme, avec une perspective de performance supérieure à 3 %… D’ores et déjà, certaines maisons de gestion spécialisées dans ces fonds planchent sur ce scénario pour suppléer et capter la future épargne « sécuritaire » des assurés.
Ce qui est sûr : l’âge d’or des fonds en € (depuis près de 20 ans) apparaît terminé, et le métier de CGP sera encore plus compliqué pour offrir aux investisseurs le carré magique : garantie sur le capital, rendement élevé, rendement régulier et disponibilité totale sans contrainte de date.

Jean-Noël Chaumont
23.01.2010

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