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Les dernières positions de l’administration fiscale ne sont pas favorables au placement en assurance vie, qu’il s’agisse de l’intégration dans l’assiette taxable de l’ISF de la valeur des contrats en euros diversifiés, ou du refus de considérer que l’acceptation de la clause bénéficiaire rend le contrat d’assurance-vie non rachetable au sens du CGI.
La remise en cause du principe de la neutralité fiscale des contrats d’assurance vie non dénoués souscrits par un époux commun en bien, lors des opérations de liquidation, participe de cette même évolution.
Pour Bercy en effet, compte tenu des modifications intervenues sur le plan fiscal en matière successorale dans le cadre de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, et notamment de l’exonération de droits de succession au profit du conjoint survivant résultant de cette loi, cette tolérance doctrinale est devenue sans objet.

Le sort fiscal de la valeur du contrat d’assurance vie non dénoué souscrit par un époux commun en bien  a donné lieu à des positions variables et peu justifiées de l’administration fiscale dont la réponse ministérielle ici commentée constitue la dernière manifestation.
A la suite de la qualification civile de la créance de rachat, l’administration a posé un principe de neutralité fiscale, essentiellement pour des raisons d’équité : l’administration souhaitait en effet paralyser les effets du hasard et ainsi ne pas affecter la stratégie de transmission voulue par le souscripteur.

Dans un premier temps, l’administration justifia ce principe par une sorte de raisonnement circulaire : Pour la liquidation de droits de succession, la valeur de rachat n’est pas à prendre en compte à l’actif communautaire pour des raisons de neutralité fiscale entre les contrats souscrits par les époux communs en biens, indépendamment de leur date de dénouement » (lettre du ministre de l’Économie, des Finances au président de la Fédération française des sociétés d’assurances du 29 juillet 1999).
Le principe de neutralité fiscale se justifiait donc par le principe de neutralité fiscale…

Par la suite, un autre argument, dont l’imprécision est la principale qualité, a été évoqué : l’équité.
Par exemple, RM 2710 : JOAN 8 nov. 1999, p. 6420. : Il serait contraire à l’équité fiscale d’assujettir la valeur de rachat d’un contrat d’assurance-vie non dénoué lors de la liquidation d’une communauté conjugale, à la suite du décès du bénéficiaire de ce contrat, aux droits de succession dans les conditions de droit commun. Une telle solution conduirait, en effet, à taxer des sommes non perçues par l’époux survivant alors que, dans le cas du pré-décès du souscripteur assuré, le capital recueilli par l’époux survivant, bénéficiaire du contrat, échappe en principe à l’impôt, sous réserve des dispositions de l’article 757 B du code général des impôts ou du prélèvement de l’article 990-I du même code…
Pour l’administration, l’équité fiscale, justifiant la tolérance, s’entend dans les rapports entre les époux. La réponse ministérielle du 29 juin 2010, est de ce point de vue très claire : Dès lors, la mise hors de communauté, du strict point de vue fiscal, de la valeur de rachat des contrats d’assurance-vie constitués par un époux au moyen de deniers communs n’a plus lieu d’être, la législation fiscale actuelle répondant pleinement au souci de neutralité fiscale entre les conjoints
Pourtant un tel fondement ainsi formulé est…inéquitable. En effet l’intégration dans l’assiette successorale taxable de la valeur du contrat non dénoué est de nature à affecter l’assiette des droits de tous les héritiers, affectant  en particulier la situation des enfants. De plus, cette conception étroite de l’équité est très critiquable car elle revient à considérer que fiscalement la créance de rachat est une valeur soumise à un sort différent selon l’identité du bénéficiaire. …d’une autre créance,  la garantie  ce qui est difficilement justifiable.
L’administration fiscale avait cependant par la suite brouillé l’analyse des causes de sa tolérance, en particulier par l’une des célèbres réponses ministérielles Marsaudon (Rép. min. à QE n° 55265, Marsaudon) en tentant de considérer que la position de l’administration fiscale ne résulte que de la manifestation de volonté des héritiers : Il résulte de la doctrine actuelle que la valeur de rachat d’un contrat d’assurance-vie souscrit par des époux à l’aide de biens communs et non dénoué lors de la liquidation d’une communauté conjugale à la suite du décès de l’époux bénéficiaire du contrat n’est pas soumise aux droits de succession dans les conditions de droit commun lorsque les héritiers n’ont pas intégré ces contrats d’assurance dans l’actif de la communauté.
La célèbre réponse ministérielle Proriol avait sans doute  marqué l’abandon de cette position insoutenable de l’administration, la qualification d’un bien matrimonial ne pouvant pas dépendre de la décision des héritiers.
Selon cette réponse,  la doctrine fiscale, selon laquelle la valeur de rachat d’un contrat d’assurance-vie souscrit par des époux à l’aide de biens communs et non dénoué lors de la liquidation d’une communauté conjugale à la suite du décès de l’époux bénéficiaire du contrat n’est pas soumise aux droits de succession dans les conditions de droit commun, a pour objet d’assurer la neutralité fiscale entre les contrats d’assurance vie souscrits à l’aide de deniers communs par l’un quelconque des époux au profit de son conjoint, indépendamment de leur date de dénouement et de l’ordre du décès entre les époux. Cette position, exprimée dans la réponse ministérielle apportée le 3 janvier 2000 à la question écrite n° 23488, et confirmée par la réponse ministérielle apportée la 19 novembre 2001 à la question écrite n° 55265  a une portée exclusivement fiscale.
Cependant,  en même temps que le ministère rappelait le principe de la tolérance fiscale, la même réponse rajoutait que la tolérance doctrinale évoquée est devenue sans objet compte tenu des modifications intervenues sur le plan fiscal en matière successorale dans le cadre de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, et notamment de l’exonération des droits de succession au profit du conjoint survivant qui en est résulté.
Cette position fut reprise par une  réponse ministérielle Carayon du 02 février 2010 (Question publiée au JO le : 08/12/2009  page : 11629 Réponse publiée au JO le : 02/02/2010 page : 1179) :

Texte de la réponse
La doctrine fiscale, selon laquelle la valeur de rachat d’un contrat d’assurance-vie souscrit par des époux à l’aide de biens communs et non dénoué lors de la liquidation d’une communauté conjugale à la suite du décès de l’époux bénéficiaire du contrat n’est pas soumise aux droits de succession dans les conditions de droit commun, a pour objet d’assurer la neutralité fiscale entre les contrats d’assurance-vie souscrits à l’aide de deniers communs par l’un quelconque des époux au profit de son conjoint, indépendamment de leur date de dénouement et de l’ordre du décès entre les époux. Cette position, exprimée dans la réponse ministérielle apportée le 3 janvier 2000 à la question écrite n° 23488, et confirmée par la réponse ministérielle apportée le 19 novembre 2001 à la question écrite n° 55265, a une portée exclusivement fiscale. Par conséquent, sous réserve de l’appréciation souveraine des juges du fond, elle n’est pas de nature à remettre en cause l’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 31 mars 1992, qui a déclaré que la valeur de rachat fait partie des biens communs lorsque les primes d’assurance-vie ont été acquittées avec des fonds communs, conformément à l’article 1401 du code civil. Cette position a d’ailleurs été confirmée par la première chambre civile de la Cour de cassation le 19 avril 2005. Au demeurant, la tolérance doctrinale évoquée est devenue sans objet compte tenu des modifications intervenues sur le plan fiscal en matière successorale dans le cadre de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, et notamment de l’exonération des droits de succession au profit du conjoint survivant qui en est résulté.

Puis par la présente réponse ministérielle bacquet (Question publiée au JO le : 01/07/2008 page : 5546, Réponse publiée au JO le : 29/06/2010 page : 7283) :

Texte de la réponse

Dans un souci de neutralité fiscale pour l’ensemble des contrats souscrits à l’aide de deniers communs par l’un quelconque des époux mariés sous le régime de la communauté de biens, indépendamment de leur date de dénouement et de l’ordre des décès des époux, souscripteur-assuré ou bénéficiaire, il avait été décidé de ne pas étendre la jurisprudence de la Cour de cassation citée par l’auteur de la question à la matière fiscale et, par suite, de ne pas intégrer à l’actif de communauté, en cas de prédécès du bénéficiaire, la valeur de rachat des contrats d’assurance-vie souscrits par le conjoint survivant à l’aide de fonds communs. Cette tolérance doctrinale avait une portée exclusivement fiscale. Désormais, compte tenu des modifications intervenues sur le plan fiscal en matière successorale dans le cadre de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, et notamment de l’exonération de droits de succession au profit du conjoint survivant résultant de cette loi, cette tolérance doctrinale est devenue sans objet.
Dès lors, la mise hors de communauté, du strict point de vue fiscal, de la valeur de rachat des contrats d’assurance-vie constitués par un époux au moyen de deniers communs n’a plus lieu d’être, la législation fiscale actuelle répondant pleinement au souci de neutralité fiscale entre les conjoints. Par conséquent, conformément à l’article 1401 du code civil, et sous réserve de l’appréciation souveraine des juges du fond, la valeur de rachat des contrats d’assurance-vie souscrits avec des fonds communs fait partie de l’actif de communauté soumis aux droits de succession dans les conditions de droit commun.

Dans une première analyse, cette dernière réponse ministérielle peut apparaître comme un prolongement des solutions des réponses précédentes Carayon et Proriol.

Cependant, son importance est bien plus grande que les deux précédentes car le ministre attributaire de la question est ici le ministre de l’économie et non le garde des sceaux, les réponses émanant de ce ministère n’exprimant pas la doctrine fiscale. Il s’agit donc ici de la doctrine de l’administration fiscale.

Cette réponse est contestable car tout en rappelant que le principe de neutralité fiscale est fondé sur  l’équité , qui ne peut en réalité être que la neutralisation des effets du hasard sur la valeur de l’assiette taxable), elle  tire de l’exonération des droits de succession dont bénéficie le conjoint  (et d’autres mesures dont elle ne précise pas la liste, comme le suggère l’adverbe notamment)  le constat de la disparition de la raison d’être de la tolérance, alors que l’exonération du conjoint  ne devrait jouer aucun rôle dans  l’application de cette tolérance,  cette règle ne déterminant nullement  la valeur de l’assiette taxable.

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