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Pour la Cour de cassation, la clause alsacienne (clause de reprise des apports) ne confère aucun avantage matrimonial (Cass.1ère civ. 17 nov. 2010, n°09-68292).

Par cet arrêt, la Cour de cassation confirme l’analyse de la doctrine sur cette clause : loin de conférer un avantage, son effet est de faire obstacle à ce qu’un avantage matrimonial se réalise (P. Simler,La validité de la clause de liquidation alternative de la communauté universelle menacée par le nouvel article 265 du Code civil, JCP N 2005, 1265)

Dans cette affaire, deux époux sont mariés sous le régime de la communauté universelle, le contrat de mariage stipulant, en cas de dissolution de la communauté pour une autre cause que le décès de l’un des époux, une clause de reprise des biens apportés par l’un des époux ou advenus à titre personnel pendant la durée du régime. Leur divorce est par la suite prononcé aux torts exclusifs de l’épouse. Lors des opérations de liquidation et de partage de la communauté, l’épouse, ayant reçu par donation au cours du mariage la moitié indivise en nue-propriété d’un immeuble, se prévaut de la clause de reprise des apports .
Pour le mari, les droits indivis sur l’immeuble devaient figurer dans la masse à partager. En effet, sous l’empire des textes applicables à la cause (ancien article 267 du code civil),  lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’un des époux, celui-ci perd de plein droit toutes les donations et tous les avantages matrimoniaux que son conjoint lui avait consentis.
Telle ne fut pas cependant la position de la Cour d’appel saisie du litige qui admit l’application de la clause au profit de l’épouse.

La Cour de cassation approuve la Cour d’appel :

« attendu que la clause de reprise des apports stipulée au contrat de mariage portant adoption du régime de la communauté universelle ne confère aux époux aucun avantage matrimonial«

La clause alsacienne donne droit à  chaque époux ou à l’un d’entre eux, en cas de dissolution de la communauté conventionnelle pour une autre cause que le décès, à reprendre les biens devenus communs en raison de la modification ou la définition de la masse commune. La stipulation apparaît donc comme une clause de liquidation alternative et produit ses effet  après la dissolution du mariage.

Une telle clause est valable : elle constitue un aménagement des règles du partage (le bien repris est commun), qui ne porte  pas atteinte à l’immutabilité ou à l’unicité du régime matrimonial (Cass. 1ère civ., 17 janvier 2006 : en retenant, d’une part, que la clause de reprise des apports stipulée à la convention régissant le régime matrimonial des époux, en cas de dissolution de leur communauté pour une autre cause que le décès de l’un d’entre eux, constituait une modalité de partage de celle-ci, compatible avec le principe d’immutabilité du régime matrimonial, d’autre part, que cette clause ne pouvait prévaloir sur les dispositions impératives des articles 267 et 269 du Code civil, dans leur rédaction applicable aux faits de la cause, car constituant une renonciation anticipée au bénéfice de ces textes, la cour d’appel a jugé, à bon droit, que cette clause de reprise était licite, mais inapplicable aux faits de l’espèce, comme se heurtant aux dispositions de l’article 269 du Code civil »

L’arrêt tranche la question de sa qualification, importante pour son efficacité en cas de divorce (sous l’empire du droit applicable à la cause  car si selon l’article 265 du Code civil, dans son état actuel,le divorce est sans incidence sur les avantages matrimoniaux qui prennent effet au cours du mariage (…). Le divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu’à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l’un des époux, l’alinéa 3 du même texte prévoit que « si le contrat de mariage le prévoit, les époux pourront toujours reprendre les biens qu’ils auront apportés à la communauté »

La clause constitue essentiellement « un antidote à l’avantage matrimonial » (B. Vareilles, La loi du 23 juin 2006 et les régimes matrimoniaux, JCP N 2007 1200). En effet, l’application de la clause conduit tout simplement à neutraliser l’avantage résultant de la composition de la masse  (communauté universelle) : elle ne confère donc pas un avantage mais a pour effet d’ en neutraliser un.

Elle n’est donc pas révoquée par le divorce des époux.

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