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Par Manuel Villanueva

Un récent arrêt du Conseil d’Etat (CE, 5 juillet 2010, n°301044, ministère du budget c/ époux Hubert B.) a rappelé le traitement fiscal des indemnités de remboursement anticipé d’un prêt souscrit initialement pour l’acquisition d’un bien immobilier destiné à la location.
Il convient de rappeler les termes de l’affaire : Un couple avait contracté un prêt au taux de 8,10 % en 1995 dans une première banque pour l’achat d’un immeuble locatif. En 1997, le couple souscrit auprès d’une autre banque un prêt pour le même immeuble au taux de 6,54 % et procède au remboursement anticipé du premier emprunt.
Les époux ont alors déduit de leur déclaration de revenus le montant des frais de souscription du nouvel emprunt, ainsi que les pénalités contractuelles versées à la première banque en raison du remboursement anticipé du prêt. Suite à un contrôle sur pièce, l’Administration a réintégré ces sommes dans le revenu du foyer fiscal au motif qu’elles ne constituaient pas des éléments déductibles des revenus fonciers bruts. Sur action des contribuables, le Tribunal Administratif, puis la Cour Administrative d’Appel, avaient accordé la décharge du complément d’impôt sur le revenu auquel les époux avaient été assujettis au motif que ces deux types de frais sont déductibles des revenus fonciers au sens de l’article 31 I-1 du Code Général des Impôts (CGI).
Le Conseil d’Etat, a approuvé la décision de la Cour Administrative d’Appel concernant la déductibilité des frais de souscription du nouvel emprunt en considérant « qu’eu égard à la continuité de l’objet de l’endettement, cette somme, qui est indissociable du nouvel emprunt contracté, entre dans les prévisions du I, 1° de l’article 31 du code général des impôts et, à ce titre, est déductible des revenus fonciers ».
Cependant, la Haute Juridiction censure l’arrêt de la Cour concernant la déductibilité des pénalités contractuelles liées au remboursement anticipé du prêt initial car, selon elle, l’indemnité de remboursement anticipée « n’a ainsi pas le caractère d’intérêts au sens du 1° du I de l’article 31 du code général des impôts ».
Le Conseil d’Etat n’annule cependant pas le jugement, estimant que la Cour d’Appel a commis une simple erreur sur la justification juridique de la déductibilité des pénalités de remboursement anticipé et non sur le principe même de déductibilité. Ainsi, selon le Conseil d’Etat, « l’indemnité de résiliation du premier prêt doit être regardée comme ayant eu le caractère d’une dépense effectuée en vue de l’acquisition et de la conservation du revenu, déductible de leur revenu brut foncier sur le fondement des dispositions de l’article 13 du code général des impôts » (l’article 13 du CGI, donne la définition générale du revenu imposable : « 1. Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l’excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l’acquisition et de la conservation du revenu (…) »).
Cet arrêt ne fait cependant que rappeler une position constante du Conseil d’Etat depuis 2007 (cf. CE 05/10/2007 n°281658).
Quant à l’Administration, sa position sur le traitement des indemnités de remboursement anticipé, a évolué dans le temps. Il convient de rappeler ces différentes interprétations :
Dans un premier temps, le fisc avait considéré, conformément aux principes généraux de l’impôt sur le revenu, qu’étaient uniquement déductibles des revenus fonciers les dépenses effectuées en vue de l’acquisition ou de la conservation du revenu. Tel n’était pas le cas, en
principe, des dépenses liées à la résiliation anticipée d’un emprunt. Il en était ainsi même si la résiliation est motivée par la souscription d’un emprunt substitutif. Seuls les intérêts du nouvel emprunt relatifs au capital restant dû au titre de l’emprunt initial, à l’exception de toutes indemnités, ouvraient droit à déduction dans la limite des intérêts figurant sur l’échéancier initial (RM. LARCHE, n° 12517, JO Sénat 18 février 1999, p. 514).
Par instruction en date du 23 mars 2007 (BOI 5 D-2-07, fiche n°10 § 24), l’Administration a par la suite admis que les dépenses de résiliation anticipée d’un emprunt, les frais d’emprunt liés à la souscription d’un emprunt substitutif et, le cas échéant, les intérêts compensatoires versés en cas de renégociation d’un prêt avec le même établissement soient considérés comme déductibles si la résiliation et la souscription d’un emprunt substitutif ont effectivement permis de diminuer le montant global de la charge d’intérêts restant dus. Pour l’appréciation de cette condition, il convient de prendre en compte globalement la charge constituée par les intérêts du nouvel emprunt et les frais ci-dessus.
Par cette instruction, l’Administration considérait que ces indemnités étaient déductibles du revenu foncier en vertu de l’article 31 du CGI, au même titre que les frais inhérents à la souscription d’un prêt.
En définitive, il est désormais acquis que les pénalités de remboursement anticipé effectivement supportés, soient déductibles des revenus fonciers du contribuable l’année de leur paiement.
La véritable interrogation se porte désormais sur les fondements juridiques de cette déductibilité.
Le Conseil d’Etat, à juste titre selon nous, l’admet en vertu de l’article 13 du CGI.
L’Administration fiscale aux termes de son instruction de 2007 a admis cette déduction sur la base de de l’article 31 du CGI.
Par suite, la situation actuelle sécurise doublement le contribuable dans sa déduction : à la fois en vertu de la jurisprudence du Conseil d’Etat et à la fois en vertu du principe d’opposabilité de sa doctrine à l’Administration (Art. L80 A LPF).

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