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Par Manuel Villanueva

L’article 31 de la loi de finances rectificative pour 2008 a réformé les mécanismes d’incitation fiscale à l’investissement locatif neuf à usage d’habitation principale en supprimant les dispositifs « Robien » et « Borloo » les a remplacé par un avantage prenant la forme d’une réduction d’impôt sur le revenu, codifiée à l’article 199 septvicies du Code général des impôts (CGI) appelé dispositif « Scellier ».
La réduction d’impôt s’applique aux contribuables qui font l’acquisition d’un logement  (ou de parts de SCPI), ou déposent une demande de permis de construire, entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2012.
La réduction d’impôt est calculée sur le prix de revient du logement (ou le montant des souscriptions) et répartie sur neuf années à raison d’un neuvième de son montant chaque année, dans la limite annuelle d’un bien (hors SCPI) d’une valeur de 300.000 €. Son taux initialement fixé à 25 % pour les investissements réalisés en 2009 et 2010 et à 20 % pour ceux réalisés en 2011 et 2012, a été réduit aux termes de l’article 39 de la loi de finances rectificative pour 2009 du 30 décembre 2009 (n° 2009-1674), à 15 % pour les logements acquis ou construits en 2011 et 10 % pour les logements acquis ou construits en 2012. Ce taux étant majoré de dix points en 2011 et 2012 pour les logements bénéficiant du label « Bâtiment Basse Consommation énergétique, BBC 2005 »  du label « Haute Performance Energétique ».
Lorsque le logement reste loué dans le secteur intermédiaire après la période d’engagement de location, le contribuable bénéficie, par période de trois ans et dans la limite de six ans, d’un complément de réduction d’impôt égal à 2 % par an du prix de revient du logement.

Le projet de loi de finances pour 2011 actuellement en cours d’examen au Sénat apporte son lot de modifications au dispositif « Scellier ».
L’article 58 du projet dont l’objectif est la réduction des déficits publics par la réduction du coût des dépenses fiscales envisage une réduction homothétique des avantages fiscaux à l’impôt sur le revenu.
Ce « rabot des niches fiscales », consiste à appliquer une réduction globale de 10 % aux réductions et crédits d’impôt compris dans le champ du plafonnement global de certains avantages fiscaux à l’impôt sur le revenu (lequel sera également rabaissé une nouvelle fois).
Ces dispositions seraient applicables à partir de l’imposition des revenus de l’année 2011 pour des dépenses payées à compter du 1er janvier 2011. Ainsi, les reports et étalements de réductions d’impôt acquises pour la première fois au titre d’années antérieures ne seraient pas concernés par la réduction homothétique.
Seraient exclus du champ de la réduction les avantages fiscaux acquis à compter de l’imposition des revenus de l’année 2011, mais qui trouvent leur fondement dans une décision d’investissement immobilier antérieure. En revanche, les opérations réalisées à compter du 1er janvier 2011 qui ouvriraient droit à un avantage fiscal seraient concernées par la réduction globale de 10 %.
Ainsi les taux applicables aux investissements « Scellier » seront :

– pour des logements non BBC de 13 % en 2011 et 9 % en 2012

– pour des logements BBC de 22 % en 2011 et 18 % en 2012.
Les taux applicables, après calculs, ont été arrondis à l’unité inférieure comme l’envisage le projet de loi. Cette règle aura comme conséquence négative pour le contribuable, que le taux réel du rabotage sera non pas de 10 % mais de 12 % en 2011 pour les logements BBC et 13,34 % la même année pour les logements non BBC.

Deux amendements notables adoptés en première lecture par l’Assemblée Nationale et approuvés par la Commission des finances du Sénat, ont aménagé le coup de rabot apporté au dispositif « Scellier » :

• L’amendement n° 754 rectifié déposé par M. Gilles Carrez, Rapporteur général de la Commission des finances de l’Assemblée Nationale vise à corriger l’impact de la règle de l’arrondi à l’unité inférieure sur la réduction complémentaire de 2 % par an accordée en cas de prorogation de l’engagement de location au terme des neuf ans. La règle de l’arrondi est en effet très dommageable aux taux de réduction faibles. Cela reviendrait à raboter ici non pas de 10 % le taux applicable mais de 50 % réduisant ainsi le taux de réduction de 6 % à 3 % (10 % de 2 % = 0,2 % soit un taux de 1,8 % arrondi à 1 % par an). L’amendement vise donc à remplacer de façon purement textuelle le taux de 2 % par an par un taux global de 6 % par période de trois ans. La réduction de 10 % du taux de 6 % conduit à un taux de 5,4 %, arrondi à 5 %, ce qui correspond à une réduction de 16,7 % beaucoup plus acceptable pour les contribuables.

• L’amendement n° 459 rectifié présenté par M. Carrez, Rapporteur général au nom de la commission des finances, M. Scellier et M. de Courson dont le but est  d’éviter, durant la période transitoire, l’afflux de dossiers difficilement gérable chez les Notaires et dans les banques, a été rédigé comme suit :
« À titre transitoire, l’engagement de réaliser un investissement immobilier peut prendre la forme d’une réservation, à condition qu’elle soit enregistrée chez un notaire ou au service des impôts avant le 31 décembre 2010, et que l’acte authentique soit passé avant le 31 mars 2011. ».

Il convient de préciser la portée réelle de cet amendement : ce n’est pas ici la date d’entrée en vigueur des nouveaux taux de réduction d’impôt qui est repoussée de trois mois, mais uniquement la date butoir de réitération par acte authentique et uniquement en ce qui concerne le rabot de 10 %.
M. Gilles Carrez, a d’ailleurs précisé au cours des débats parlementaires, qu’« Il n’est en aucun cas question de remettre en cause la date retenue pour le passage de 25 % à 15 % du taux de réduction pour le non-BBC et pour le dispositif de sortie en biseau du régime général Scellier. Il s’agit uniquement de prévoir une petite période de transition au titre de l’application du rabot. Le rabot n’a effectivement été précisément défini qu’au début du mois de septembre, alors que des dossiers étaient en cours. »

En aucun cas, cette mesure ne permet de signer l’acte authentique de vente avant le 31 mars 2011 (préalablement enregistré avant le 31 décembre 2010), et de bénéficier du taux de réduction applicable en 2010.
Si l’acte authentique est régularisé en 2011, les taux applicables seront ceux de 2011. En revanche si les conditions de réservation et de réitération de l’acte authentique sont respectées, le rabot de 10 % (et uniquement lui) ne s’appliquera pas pendant cette période transitoire de trois mois.

Une question reste cependant en suspend : quel sera l’impact du rabot de 10 % sur la réduction d’impôt supplémentaire de 2 % par année au-delà de l’engagement initial de 9 ans dans le secteur intermédiaire, lorsque l’investissement a été réalisé entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2010 (ou le 31 mars 2011 si les conditions sont remplies) ? Le taux applicable sera-t-il de 5 % ou de 6 % par période de trois ans ? La réponse n’est pas sans conséquences pratiques pour les investisseurs.

Doit-on considérer que le taux de réduction d’impôt après prorogation de l’engagement de location est définitivement acquis au jour de l’acquisition comme le taux de réduction initial et par suite, que la prorogation n’est que le fait générateur de cette nouvelle réduction optionnelle.
Ou, au contraire, doit-on considérer que la prorogation étant facultative et prise par l’investisseur postérieurement à son engagement principal, le taux applicable sera celui en vigueur au jour de la prorogation.
Selon nous la première hypothèse devrait prévaloir. La réponse tient au mécanisme de la réduction d’impôt complémentaire. Pour pouvoir y prétendre au bout de neuf ans, le contribuable doit dès le départ se soumettre à des conditions de location plus strictes, c’est-à-dire louer dans le « secteur intermédiaire » (loyers minorés et conditions de ressources du locataire).
L’article 58 du projet de loi dispose en effet que le coup de rabot ne s’applique pas lorsque « le contribuable justifie qu’il a pris, avant le 31 décembre 2010, l’engagement de réaliser un investissement immobilier ». La stratégie d’investissement globale réalisée par le contribuable est donc bien prise au jour de l’investissement, même si la décision de proroger la location est optionnelle et postérieure au 31 décembre 2010.

Nous attendrons cependant les commentaires du Législateur ou de l’Administration fiscale sur cette question, qui auront à trancher entre la sécurité juridique des investisseurs d’une part et la réduction des déficits publics d’autre part.

Taux de la réduction d’impôt et économie d’impôt maximale
2010 2011(enregistrement avant le 31/12/2010 et acte avant le 31/03/2011) 2011(enregistrement après le 31/12/2010 ou acte après le 31/03/2011) 2012
Taux de la réduction d’impôt BBC 25% 25% 22% 18%
RT 2005 15% 13% 9%
Economie d’impôt totale sur 9 ans BBC 75.000 € 75.000 € 66.000 € 54.000 €
RT 2005 45.000 € 39.000 € 27.000 €
Economie d’impôt maximum annuelle BBC 8.333 € 8.333 € 7.333 € 6.000 €
RT 2005 5.000 € 4.333 € 3.000 €
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