Pôle Patrimonial Professionnel

La donation rémunératoire entre époux ne fait l’objet d’aucune définition dans le Code Civil.
Une donation rémunératoire est définie par la remise de biens en contrepartie de services rendus par un tiers ou par un époux, allant, dans ce dernier cas, au-delà de l’obligation de contribuer aux charges du mariage. Une telle donation est, en effet, fréquente entre époux lorsqu’ils sont mariés sous le régime de la séparation de biens ; elle est à l’origine de conflit entre les époux en instance de divorce.
Tout travail au foyer ne suffit donc pas pour faire naître une créance au profit de l’époux qui accomplit cette tâche. Il faut des circonstances particulières : importance et qualité du travail fourni obtention d’un résultat un enrichissement du conjoint par la constitution d’économies profitant à celui-ci. Des circonstances particulières peuvent notamment être réunies si la contribution aux charges du mariage nécessite que l’un des époux fasse le sacrifice d’une carrière professionnelle. La donation rémunératoire peut porter, par exemple sur des biens immobiliers acquis soit au nom de l’un des époux, soit au nom des deux, mais avec des fonds appartenant à l’autre. Celui des deux époux qui se prévaut de la donation rémunératoire cherche alors à faire reconnaître que les biens « donnés » par l’autre l’ont été, soit en contrepartie de sa participation non rétribuée à l’activité professionnelle de l’autre époux, soit pour compenser sa cessation d’activité professionnelle pour se consacrer à sa famille voire pour l’absence de contrepartie financière à cette activité « familiale ». Cette donation étant alors irrévocable même en cas de divorce, l’époux bénéficiaire n’aura pas à restituer les biens reçus et il n’y aura pas plus de
créances entre époux qui seront dues.
Lors de la liquidation du régime matrimonial, spécifiquement en cas de divorce, l’époux qui s’est acquitté de cette rémunération cherche de son côté à ce que le caractère « donatoire » ne soit pas reconnu. Cela lui permet alors de prétendre à une créance contre l’époux bénéficiaire. Il doit alors prouver l’origine des fonds et démontrer qu’il n’y a pas eu « d’intention libérale », c’est-à-dire qu’il n’y avait pas d’intention de sa part de faire un don en contrepartie d’une quelconque activité.
La technique des donations rémunératoires est une construction jurisprudentielle qui consiste à nier l’intention libérale au motif que la donation effectuée présente un caractère rémunératoire. Cette libéralité est faite en récompense d’un service antérieurement rendu et non rémunéré. Dans la mesure où le service fourni est appréciable en argent et que la chose donnée correspond approximativement à la rémunération qui aurait pu être réclamée, la libéralité mérite alors d’être requalifiée en acte à titre onéreux. La reconnaissance d’une donation rémunératoire est laissée à l’appréciation des juges. Les sommes acquises à la suite de ces libéralités ne sont pas rapportables à la succession et ne sont pas sujettes à réduction.

Le donateur des fonds doit établir qu’il n’a pas en tendu rémunérer l’activité du donataire, et que le versement de ces fonds n’a pas pu rémunérer une telle activité. Autrement dit, il suffit au conjoint bénéficiaire de la donation des fonds d’établir par tous moyens (même par de simples présomptions de fait), que les deniers employés à l’acquisition et fournis par le conjoint demandeur  » pouvaient  » ou  » avaient pu  » représenter une telle rémunération. Toutefois, il est indispensable que l’époux bénéficiaire des fonds invoque cette circonstance et démontre la réalité d’une activité au foyer ou dans l’entreprise de son conjoint, excédant sa contribution normale aux charges du mariage, ou ayant procuré un enrichissement du patrimoine de ce conjoint, ou un accroissement des économies du ménage. La remise des deniers peut être qualifiée de donation déguisée.
La donation rémunératoire permet aussi d’échapper tant à la réduction successorale qu’à la révocation pour ingratitude. Lorsque la donation est qualifiée de rémunératoire, la libéralité échappe à la sphère des libéralités pour se transformer en un acte à titre onéreux.
En conséquence deux conditions doivent être réunies pour faire échapper une donation au régime des libéralités et en faire une donation rémunératoire.
Une activité excédant la simple contribution aux charges du mariage Cette appréciation relève du pouvoir des juges du fonds, le principe a été affirmé dans un arrêt Bitter du 24 octobre 1978

Un appauvrissement et enrichissement corrélatifs

Pour que la qualification à titre onéreux puisse être retenue il faut ensuite que l’activité excédant la contribution à charge du mariage n’ait pas déjà été rémunérée, qu’elle ait enrichi l’époux fournisseur des deniers. D’une manière générale la jurisprudence considère que l’absence de rémunération de l’un entraîne automatiquement enrichissement de l’autre. La jurisprudence a considéré que la remise de deniers par l’un des époux en vue de l’acquisition d’un bien
est un acte à titre onéreux dans les hypothèses où le bénéficiaire avait déjà collaboré dans les conditions évoquées ci-dessus à l’activité de son conjoint à condition bien sûr de ne pas être salarié.

Arrêt de la Cour de cassation : 1ère Chambre Civile du 13 Janvier 1993 La Cour de cassation considère qu’une épouse qui était dépourvue de ressources personnelles peut prétendre à la propriété des versements réalisés par son mari, par le seul fait qu’elle s’était entièrement consacrée à son foyer pendant 30 ans en élevant cinq enfants.

Arrêt de la Cour d’Appel de Bordeaux : 27 Janvier 1993 La Cour considère qu’en élevant son fils atteint de mucoviscidose, une femme remplit l’obligation d’entretien des enfants imposée par l’article 203 du Code Civil, et qu’elle ne peut prétendre avoir fait réaliser à son mari une économie en évitant le recours à une tierce personne. Sauf à démontrer (CA Versailles, 8 Janvier 1980), que ces fonds ont été versés pour compenser la perte de revenus de l’époux qui a cessé d’exercer une activité professionnelle pour se consacrer aux tâches ménagères.

Fiscalité

Le régime fiscal des donations rémunératoires entre époux doit être examiné tant au niveau de l’impôt sur le revenu que des droits de mutation à titre gratuit. En matière d’impôt sur le revenu, il ne peut y avoir d’imposition que si les versements sont faits d’un foyer fiscal à un autre. On peut donc en conclure que dans la quasi-totalité des cas, les versements rémunératoires entre époux échapperont à l’impôt sur le revenu puisque les époux appartiendront au même foyer fiscal. En principe, le versement libératoire entre époux n’est pas soumis aux droits de mutation à titre gratuit, il faut même aller plus loin. Si le versement n’est pas intervenu et que l’époux le réclame à la succession du défunt, notamment en invoquant le quasi-contrat d’enrichissement sans cause, ce versement devra être considéré comme une dette de la succession envers l’enfant.

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