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L’abandon par l’administration fiscale de sa doctrine dite de neutralité fiscale (Voir ici) conduit nécessairement à s’interroger sur les remèdes, c’est-à-dire les techniques permettant de limiter les conséquences de la qualification d’ « acquêt fiscalisé » du contrat d’assurance vie, souscrit par un époux commun en biens, non dénoué  lors de la liquidation du régime matrimonial.

La préconisation d’une souscription conjointe avec dénouement au premier décès et clause bénéficiaire démembrée (avec stipulation d’un quasi usufruit viager au profit du conjoint survivant) constitue sans doute possible l’un des remèdes ayant aujourd’hui le « vent en poupe ».

En effet, ce type de souscription présente incontestablement des avantages :

a)  les époux sont chacun investis de la qualité de souscripteur et disposent à ce titre des prérogatives inhérentes à cette qualité. Les prérogatives économiques du contrat sont donc exercées en commun, ce qui en principe correspond à leur choix de régime matrimonial.

b)  au dénouement, le conjoint survivant reçoit en qualité de bénéficiaire le capital décès.

– Civilement étant quasi-usufruitier, il jouit de la garantie comme s’il était propriétaire. Le capital acquis est un propre sans récompense (voir ici ) et ni la garantie, ni les primes versées ne sont à prendre en compte, en principe, dans le règlement de la succession de l’époux défunt.

– Fiscalement, il reçoit cette garantie en franchise de droits, quel qu’ait été l’âge de son conjoint  au jour du paiement des primes.

c) Les enfants, pris en qualité de nu-propriétaire, ne sont pas imposés lors du dénouement du contrat (si l’assuré a moins de 70 ans) et peuvent demander, lors de l’expiration de l’usufruit, l’exécution de la créance de restitution dont ils sont titulaires.

Ce « remède »  n’est cependant pas sans limites :

– il n’est pratiquement envisageable que pour des couples dont la stabilité est une caractéristique essentielle. En cas de divorce, en effet, le contrat en co-souscription ne sera pas dénoué, et constituera un acquêt.  Un rachat , contraire sans doute aux prévisions initiales des parties, sera nécessaire, hors de toute optimisation fiscale, pour permettre le partage de l’actif commun.

– le conjoint survivant reçoit en qualité de bénéficiaire le capital décès. Il n’est donc pas attributaire de la valeur de rachat. Il en résulte que la valeur dont il bénéficiera sera inférieure à celle dont il aurait pu jouir en qualité de souscripteur d’un contrat non dénoué puisque la garantie décès sera l’objet d’une retenue à la source au titre des prélèvements sociaux (si le contrat est multi-supports ou en unités de comptes), alors que le premier décès, en cas de souscription conjointe avec dénouement au second décès, ne produit naturellement pas cet effet .

– Contrairement à l’hypothèse où  au décès du premier des époux, le conjoint survivant est attributaire de l’intégralité de la valeur de rachat, celui-ci ne dispose plus d’un support, jouissant d’une antériorité fiscale, permettant de capitaliser les fonds qu’il a reçus en qualité de quasi-usufruitier. Chaque époux  doit donc prendre  soin de souscrire un autre contrat, doté d’une valeur minimale au jour de la dissolution du régime, afin de favoriser le réinvestissement du capital acquis. Le survivant  bénéficiant alors pour les rachats futurs de l’antériorité fiscale du contrat réceptacle des fonds.

– Ce « remède » ne vaut essentiellement que pour les contrats futurs. En effet, la transformation d’un contrat en cours en contrat avec co-souscription et dénouement au premier décès s’analyse comme une novation, ce qui lui ferait perdre l’antériorité fiscale, sauf naturellement si le contrat prévoyait expressément cette hypothèse.

En conclusion, l’insertion d’une clause de préciput dans le contrat de mariage au bénéfice de chacun des époux afin que le survivant prélève à titre gratuit le contrat non dénoué présente, de ce point de vue, bien des avantages sur cette solution.

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