Pôle Patrimonial Professionnel

Par Manuel  VILLANUEVA

La cinquième loi de finances rectificative pour 2011 prévue pour le printemps (fin avril), promet une grande réforme de la fiscalité du patrimoine.
Le calendrier sera semé – jusqu’à la présentation du projet de loi – d’annonces, discussions et autre rapports.
Les hostilités ont commencé par la remise à l’UMP, du rapport du député Jérôme Chartier chargé par son parti de réfléchir à une convergence fiscale franco-allemande, puis continuera par une série de tables rondes organisées par la Commission des finances du Sénat à compter du 9 février 2011, et sera suivi avant la fin du premier trimestre de l’année (vraisemblablement à la fin du mois de février) par la publication du rapport de la Cour des comptes sur la convergence fiscale entre la France et l’Allemagne, qui servira de base au projet de loi et aux discussions législatives.

En attendant de découvrir ce projet dont certaines grandes dispositions semblent déjà se dessiner (suppression/aménagement de l’ISF, suppression du bouclier fiscal, réforme des plus-values immobilières privées et professionnelles, réforme des plus-values mobilières, plafonnement de la déductibilité des frais financiers de l’IS…), le Législateur et l’Administration semblent se murer dans l’attentisme, en renvoyant toute réforme ou toute prise de position à cette perestroïka fiscale.

La preuve par quelques exemples symptomatiques :

• Au cours des débats parlementaires du projet de loi de finances pour 2011, le Sénat et le Gouvernement ont littéralement fait barrage à certaines propositions de réformes émanant de l’Assemblée Nationale. Les rapporteurs des Commissions des finances de chacune des deux Chambres, allant jusqu’à se livrer, par hémicycles interposés, à une guerre de position étourdissante pour les observateurs.
La position de M. Philippe Marini était claire : laisser filtrer les dispositions qui entrent dans le cadre du financement de la réforme des retraites, mais ne pas préempter la réforme de la fiscalité du patrimoine (amdt I-3, rapport com. fin. Sénat n°111, art. 3). C’est à ce titre qu’ont été refusés en bloc, pour des questions de calendrier, le report de trois ans de l’entrée en vigueur de l’abattement pour durée de détention des plus-values mobilières des particuliers, et l’assujettissement dès le premier euro aux prélèvements sociaux des plus-values immobilières et des plus-values professionnelles portant sur des immeubles, quelle que soit la durée de détention du bien (hors résidence principale).
Concernant ce dernier point, si la position du Sénat peut sembler sage, elle conduit à une inégalité manifeste de traitement entre les plus-values sur valeurs mobilières et droits sociaux d’une part et les plus-values immobilières d’autre part : les premières étant systématiquement soumises aux prélèvements sociaux de 12,3% (qu’elles soient taxables ou non), tandis que les secondes lorsqu’elles bénéficient d’exonérations fiscales, sont également exonérées de prélèvements sociaux. En d’autres termes tous les revenus et plus-values mobilières, même modestes, sont soumis aux prélèvements sociaux, tandis que les plus-values immobilières exonérées, même d’un montant pharaonique, sont exonérés de ces mêmes prélèvements sociaux.
A contrario, le Législateur au terme de l’article 8 de la LF 2011 a supprimé le seuil de taxation des plus-values mobilières des particuliers (25.830 € en 2010) sans tenir compte de sa logique réformatrice et sans s’émouvoir de la précocité de cette disposition fiscale par rapport à la réforme globale de la fiscalité du patrimoine.
Par ailleurs, le Législateur n’a pas été aussi regardant avant de soumettre aux prélèvements sociaux au fil de l’eau, les produits générés par les fonds en euros des contrats d’assurance-vie multisupports, (art. 22 LF 2011) alors même que cette disposition, non dénuée de critique dans son principe, aurait surement mérité d’être étudiée dans la refonte fiscale à venir.

• Plus récemment, une réponse ministérielle du 25 janvier 2011 (Ques. N°93271 M. Colombier Georges. Rép. JOAN 25/01/2011 page 731) à une question parlementaire, relative au rehaussement du seuil de la tontine (fixé à 76.000 €), fut très révélatrice de l’immobilisme qui règne actuellement : « Si le régime fiscal de la tontine devait à nouveau être revu, ce ne pourrait être que dans le cadre plus global de la réforme d’ensemble de la fiscalité du patrimoine dont le Parlement, au terme d’une phase préalable de réflexion et de débats associant notamment les parlementaires, sera saisi en juin prochain dans le cadre d’un collectif budgétaire. »

Espérons que la réforme tant annoncée, ne se fasse pas trop attendre, sous peine de n’avoir fiscalement plus grand-chose à commenter durant les semaines à venir…

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