Pôle Patrimonial Professionnel

Antérieurement à l’exercice d’une exploitation, l’entrepreneur individuel doit mûrement réfléchir aux moyens mis à sa disposition pour protéger son patrimoine personnel d’un risque de liquidation judiciaire. En effet, au regard des créanciers, aucune distinction n’est opérée entre le patrimoine privé et le patrimoine professionnel d’un entrepreneur individuel : le patrimoine de l’exploitant individuel est unique et l’entrepreneur répond ultra vires du passif de l’entreprise.
Bien entendu, une protection trop importante du patrimoine va certes limiter le crédit proposé par l’entrepreneur individuel à ses créanciers : le banquier sera moins enclin à octroyer un prêt à l’exploitant individuel en l’absence de garantie personnelle. Cependant, un entrepreneur individuel censé ne peut pas prendre de risques démesurés en engageant l’intégralité de son patrimoine et doit donc protéger une part de ses biens, notamment le logement d’habitation, contre ses créanciers afin de maintenir une vie familiale décente. Une réflexion quant aux moyens mis à sa disposition pour protéger certains de ses biens est nécessaire pour délimiter au mieux les biens saisissables en cas de procédure collective.
L’entrepreneur doit obligatoirement trouver un équilibre entre le crédit apporté aux créanciers et la protection de son patrimoine personnel pour ne pas se retrouver dans une grande difficulté financière et sociale en cas de la liquidation de son entreprise.

Plusieurs moyens sont mis à sa disposition pour protéger son patrimoine. Il peut les cumuler ou choisir alternativement. Nous nous intéresserons dans un premier temps à la volonté seule de l’entrepreneur au travers du choix d’exercice de l’activité et aux conséquences de ce choix (I). Dans un second temps, nous verrons que si l’entrepreneur esquisse l’ébauche de sa stratégie patrimoniale unilatéralement, il demeure important de rappeler l’impact du choix du régime matrimonial sur celle-ci (II). Enfin, nous verrons comment ces diverses options supportent l’épreuve de la procédure collective (II).
Dans cette optique, nous nous intéresserons essentiellement à l’entrepreneur marié. Du fait que le concubin ou le partenaire pacsé de l’entrepreneur n’engage jamais ses biens, sauf s’ils se portent garants personnels. En principe, seuls les biens de l’entrepreneur seront saisissables en cas de défaillance de celui-ci qui est tenu des dettes nées de son propre chef.

I) La protection du patrimoine par le choix d’exercice de l’entrepreneur

Lors de la création de son activité, l’entrepreneur individuel possède divers choix pour exercer son activité. Il peut exercer par le biais d’une société unipersonnelle ou demeurer en dehors du droit des sociétés et se tourner vers l’exercice d’une activité en tant qu’entrepreneur individuel.
L’entrepreneur peut opter pour l’EURL, institué par la loi du 11 juillet 1985, qui lui permet de n’être tenu qu’à hauteur de ses apports au sein de la société. Le recours à cette société est un outil efficace de cloisonnement des patrimoines pour l’entrepreneur qui souhaite mettre son patrimoine privé à l’écart des risques inhérents à son activité.
Cependant dans la réalité économique actuelle, seul un entrepreneur ayant les fonds suffisants verra l’EURL efficace dans la protection de son patrimoine privé. En effet, si d’un côté cette société réduit considérablement le gage des créanciers professionnels, d’un autre côté elle décrédibilise le dirigeant dans son besoin de crédit pour financer l’activité. La solution classique revient pour l’entrepreneur de se porter caution personnelle pour garantir les dettes contractées par l’EURL. Il apparaît alors que de la protection de son patrimoine privé se révèle alors inefficace dès lors que l’étanchéité entre les deux patrimoines n’existe plus. En effet, lorsque le créancier fait jouer la garantie, l’entrepreneur peut être tenu sur ses biens personnels.
Le législateur a souhaité donné, à l’entrepreneur individuel, une alternative à la création d’une personne morale pour l’exercice de sa profession, par une loi du 15 juin 2010, lui permettant de scinder son patrimoine en deux masses distinctes, consacrées l’une à son activité professionnelle et l’autre à sa vie privée (articles L526-6 et suivants du Code de commerce).
La protection du patrimoine personnel intervient par l’affectation des biens nécessaires à l’activité professionnelle dans un patrimoine professionnel, dérogeant à la règle de l’unicité de patrimoine d’une personne. Dans le cas d’un EIRL, l’entrepreneur individuel disposera de patrimoines distincts hermétiques l’un de l’autre. Le patrimoine professionnel sera le gage des créanciers professionnels inhérents à l’activité exercée par l’EIRL tandis que le patrimoine privé sera le gage des créanciers personnels. Ce cloisonnement est à relativiser puisque, en cas d’insuffisance du patrimoine non affecté, le droit de gage des créanciers personnels peut s’exercer sur le bénéfice réalisé par l’EIRL lors du dernier exercice clos (L526-12, dernier alinéa du code de commerce).
De même, l’étanchéité entre les deux patrimoines sera altérée en présence d’une garantie personnelle prise par l’entrepreneur pour une dette auprès des créanciers. Cependant, des dispositifs ont été mis en place pour faciliter l’accès au crédit des petites et moyennes entreprises. Des organismes (OSEO et SIAGI) apportent leurs garanties aux EIRL afin de garantir une quote-part (actuellement 80%) des crédits qui leurs sont accordés sous condition d’absence de garantie personnelle ou réelle donnée par l’entrepreneur individuel ou son conjoint. Ce dispositif enlève une épine du pied de l’entrepreneur pour la création d’entreprise en octroyant une garantie à la banque qui ne sera utilisée qu’en dernier recours, soit après la liquidation judiciaire de l’EIRL.
L’entrepreneur devra porter une attention particulière lors de la constitution de son patrimoine d’affectation. Les créanciers antérieurs professionnels, concernés par la création
d’un patrimoine susceptible de réduire leur droit de gage, doivent être informés par l’entrepreneur individuel pour que la déclaration d’affectation leurs soit opposable. Néanmoins, ils ont la possibilité de s’opposer à cette affectation dans un délai d’un mois.
En l’absence d’opposition, les patrimoines forment alors deux ensembles bien distincts où le gage des créanciers personnels et professionnels est limité aux patrimoines respectifs excepté pour l’hypothèse indiquée précédemment de l’insuffisance du patrimoine non professionnel. L’opposition formée peut amener diverses difficultés pouvant freiner l’entrepreneur à choisir d’exercer en tant qu’EIRL en cours d’activité. Lorsque l’opposition est injustifiée notamment au regard de la viabilité de l’entreprise ou de la contenance du patrimoine professionnel, le juge a la possibilité de rejeter l’opposition et l’affectation joue alors son effet à l’égard de ce créancier. Le juge peut également ordonner le recouvrement ou demander la constitution de garanties supplémentaires si l’entrepreneur individuel en offre et si elles sont jugées suffisantes.
A défaut, la déclaration d’affectation est inopposable aux créanciers antérieurs qui garderont en gage l’ensemble des biens personnels et professionnels du débiteur. L’entrepreneur individuel se retrouvera alors avec des créanciers antérieurs dont la déclaration d’affectation est inopposable, et des créanciers antérieurs et postérieurs dont la déclaration leurs est opposable, rendant le patrimoine personnel perméable aux créanciers professionnel.
L’EIRL et l’EURL sont des moyens efficaces de protection du patrimoine personnel lorsque le débiteur possède suffisamment de liquidités pour créer et financer son activité. En revanche, lorsque le débiteur est caution personnelle d’une dette, il engage l’intégralité de son patrimoine même en présence d’EURL ou EIRL.
L’entrepreneur individuel a la possibilité d’effectuer une déclaration d’insaisissabilité sur son logement d’habitation ainsi que sur tout bien foncier bâtit ou non bâtit, non affecté à un usage professionnel (L526-1 Code commerce).
La déclaration d’insaisissabilité, créée par la loi du 4 août 2003, offre la possibilité à l’entrepreneur individuel qui exerce une activité professionnelle, de rendre insaisissable tout bien foncier bâti ou non bâti, non affecté à un usage professionnel. Initialement prévue pour la résidence principale, cette protection a été étendue par la loi du 4 août 2008 à tout bien foncier. Ce procédé a été introduit pour protéger la vie familiale et personnelle de l’entrepreneur notamment lors de la liquidation judiciaire. Il permet de rendre insaisissable le logement d’habitation ou tout bien foncier non affecter à la profession de l’entrepreneur lors d’une liquidation judiciaire ou toute tentative de saisie sur les biens du débiteur.
La protection n’est en revanche pas totale puisque la déclaration est inopposable aux créanciers dont la dette est née antérieurement à la déclaration. Il est alors important de désintéresser en priorité les créanciers antérieurs pour que la déclaration d’insaisissabilité produise son plein effet. Nous verrons également que la jurisprudence a fait de cet outil un avantage certain lors d’une procédure collective.
Bien souvent, l’immeuble constitue la seule source de crédit de l’entrepreneur individuel et celui-ci aura l’obligation, s’il souhaite obtenir un emprunt, de lever la déclaration d’insaisissabilité au profit d’un ou plusieurs créanciers remettant alors en cause la protection du logement de la famille.
En théorie, les outils mis à la disposition de l’entrepreneur individuel limitent le gage des créanciers permettant de protéger son patrimoine personnel. En pratique, dès lors que l’entrepreneur aura besoin de fonds, les créanciers demanderont systématiquement des garanties supplémentaires pour obtenir le recouvrement de leurs créances générant obligatoirement une brèche dans le système choisi par l’entrepreneur individuel. Par conséquent, le choix d’exercice de l’activité professionnelle doit être couplé avec un aménagement du régime matrimonial adéquat pour protéger la sphère familiale et les biens du couple.

II) La protection du patrimoine par l’aménagement du régime matrimonial

Dans l’optique d’accroitre les biens objet du gage, nous avons vu que certains créanciers prévenant demandent à l’entrepreneur de se porter caution ou alors de lever la déclaration d’insaisissabilité, rendant alors le patrimoine privé de l’entrepreneur individuel vulnérable à une saisie de ses biens personnels. L’entrepreneur doit alors réfléchir à l’aménagement de son régime matrimonial pour limiter le gage des créanciers, notamment lorsqu’il exerce une activité à risque telle qu’une activité commerciale, artisanale, agricole ou libérale.
Il faut savoir que le régime matrimonial peut être source de protection des biens du couple lorsque l’un des deux époux exerce une activité à risque. L’absence de choix, ou le choix pour un régime légal de communauté réduit considérablement la protection des biens du couple. En effet, les règles liées au régime de communauté légale prévoit notamment que le créancier peut saisir l’intégralité des biens propres du conjoint débiteur de la dette et l’ensemble des biens de la communauté, à l’exception des gains et salaires de l’autre conjoint (art. 1413 du code civil). De même, en présence en présence d’un cautionnement consenti expressément par le conjoint, le gage des créanciers prendra en compte également les gains et salaires du conjoint (article 1415 civil). Par conséquent, ce régime présente une extrême faiblesse en présence d’un entrepreneur individuel à cause du gage important que possèdent les créanciers. En cas de procédure collective et dans le pire des cas, les créanciers pourront saisir l’ensemble des biens de la communauté ainsi que les biens propres de l’entrepreneur. Sachant que bien souvent, les époux mariés sous un régime légal disposent de leur logement d’habitation ainsi que diverses liquidités en tant que biens communs, ils prennent un risque considérable de voir saisir la quasi-intégralité de leurs biens saisie en cas de procédure collective. L’entrepreneur et sa famille se retrouveraient alors sans logement d’habitation ni revenu pour subvenir à leurs besoins.
Appliqué à l’EIRL et à l’EURL, le régime de communauté de bien se suffit à lui-même puisque, en théorie, la personnalité morale ou le patrimoine affecté rend le patrimoine privé insaisissable. Les créanciers possèdent respectivement comme gage soit les biens affectés au patrimoine professionnel dans le cas d’une EIRL, soit les biens apportés à la société dans le cas d’une EURL. La réalité est tout autre puisque, en présence d’une garantie personnelle prise par l’entrepreneur avec ou sans son conjoint, les articles 1413 et 1415 du code civil vont alors s’appliquer et augmenter le gage des créanciers.
Ainsi, pour protéger leurs patrimoines personnels, les époux devront aménager leur régime matrimonial pour circonscrire les risques liés à un passif professionnel. En effet, une préférence pour un régime séparatiste permet aux époux d’écarter l’ensemble des biens du conjoint de l’entrepreneur individuel de la masse saisissable par les créanciers.
Le régime de séparation de biens assure la protection du patrimoine de chacun des époux par rapport aux dettes du conjoint à condition de ne pas acquérir de biens en indivision, de ne pas s’engager solidairement et de ne pas fournir aux créanciers de garanties personnelles ou grevant ses biens personnels. Cela priverait le régime de séparation de la mise hors de portée des biens du conjoint de l’entrepreneur du gage des créanciers. Cependant, ce régime présente l’inconvénient d’être défavorable au conjoint qui n’exerce pas d’activité professionnelle puisqu’il ne participe pas à l’enrichissement de l’autre. Le régime matrimonial hybride de la participation aux acquêts pourrait être une meilleure option pour les conjoints notamment lorsque l’un d’eux est sans activité.
En effet, pendant la vie conjugale, il se vit comme un régime de séparation de bien et se liquide à la dissolution du lien matrimonial comme une communauté d’acquêt mais en valeur seulement. Par conséquent, comme pour le régime de séparation de biens, les dettes sont propres aux époux qui les contractent.
Dans ces deux régimes séparatistes, nous imaginons bien pouvoir les conjuguer avec une société d’acquêt et une déclaration d’insaisissabilité. Nous placerions dans cette société d’acquêts les immeubles déclarés insaisissables afin d’éviter d’avoir des immeubles en indivision, sans en subir les risques liés à l’activité professionnelle. Cela ne serait pas un frein à l’obtention de crédit, puisque comme nous l’avons vu précédemment, la déclaration d’insaisissabilité peut être levée au profit d’un ou plusieurs créanciers particuliers.
Il faut apporter également une précision lors de la déclaration d’insaisissabilité sur un immeuble commun ou sur le logement d’habitation auprès d’un notaire.
A priori, la déclaration d’insaisissabilité s’intègrerait dans la catégorie des actes de conservation. Cela signifie que seul un des époux peut déclarer insaisissable l’immeuble. La question que nous pouvons nous poser est de savoir si le consentement des deux époux est nécessaire pour lever la déclaration d’insaisissabilité au profit d’un ou plusieurs créanciers. En effet, nous pensons que le fait de lever la déclaration d’insaisissabilité affecte le bien à la garantie de la dette au profit d’un créancier. Or en présence d’un bien de la communauté, l’article 1422 du code civil impose le consentement des deux époux pour affecter un bien à la garantie d’une dette d’un tiers. Cela signifierait que la levée de déclaration sans le consentement du conjoint entrainerait un risque de nullité de la garantie.
De même, en ce qui concerne l’article 215 alinéa 3 du code civil, la jurisprudence a eu tendance à élargir la notion d’acte de disposition pour protéger le logement de famille contre les créanciers. Cet article fait partie du régime primaire et s’applique donc à tous les régimes matrimoniaux même lorsque le logement d’habitation est un bien propre à l’un des époux. Nous pourrions alors imaginer que le législateur annule l’acte négatif de la levée de la déclaration d’insaisissabilité pour garantir la dette d’un tiers car il serait considéré comme un acte de disposition sur le logement de famille. Le conjoint pourrait alors demander la nullité de la garantie à défaut de consentement de sa part. Le législateur ou la jurisprudence devra éclaircir ce point qui pourrait être favorable pour un bon nombre de couple.
Comme nous l’avons vu, il existe différents montages mais le fonctionnement ne se vérifie que lors de la procédure collective et plus particulièrement lors de la liquidation judiciaire.

III) La protection du patrimoine personnel face à la procédure collective

Selon la gravité de la situation de l’entreprise, l’entrepreneur fera face à une procédure de sauvegarde, de redressement ou liquidation judiciaire. La vérification de la protection des biens de l’entrepreneur individuelle se fait au niveau de la liquidation judiciaire. En effet, celle-ci a pour conséquence de réaliser l’actif de la société afin d’apurer le passif de l’activité. En cas d’insuffisance d’actif, le mandataire judiciaire saisira le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel pour désintéresser entièrement les créanciers. La stratégie adoptée préalablement par l’entrepreneur prend alors toute son importance.
Nous avons vu précédemment que l’entrepreneur individuel à risque limité, comme l’associé unique d’une EURL, n’engage que son patrimoine professionnel à hauteur des biens affectés à l’EIRL ou des biens apportés à la société. L’entrepreneur ne disposant pas de garantie personnelle n’engage nullement son patrimoine personnel qui est alors hors procédure collective. Dans le cas où les créanciers ne seraient pas désintéressés en totalité mais qu’il n’y a plus d’actif dans l’EURL ou dans le patrimoine professionnel de l’EIRL, la liquidation judiciaire est clôturée pour insuffisance d’actif. De plus, la clôture ne fait pas recouvrer aux créanciers leur droit individuel de poursuite contrairement aux créanciers titulaires de sûreté (L643-2 du code Commerce).
En effet, le créancier titulaire d’une caution sur le patrimoine personnel du dirigeant va pouvoir mettre en jeu sa garantie trois mois après la clôture de la liquidation judiciaire lui permettant ainsi de saisir les biens personnels de la caution pour obtenir paiement. Dès lors, l’illusion d’une armure instaurée par l’EIRL ou l’EURL contre les déboires de la vie professionnelle de l’entrepreneur, touche à son terme. Les garanties personnelles octroyées par l’entrepreneur écartent le bénéfice du cloisonnement entre le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel.
D’une part, le patrimoine professionnel est liquidé pour apurer le passif, d’autre part, au terme de cette liquidation, les créanciers possédant une garantie pourront poursuivre le recouvrement des dettes sur le patrimoine personnel de l’entrepreneur.
Nous relèverons à ce stade, l’importance du choix du régime matrimonial. L’échec de la protection par l’EIRL ou l’EURL a tout intérêt à être limité à une masse de biens réduites définie par les époux. D’où l’avantage d’un régime séparatiste avec une réflexion quant aux biens mis en garanties qui permet de réduire le gage des créanciers en cas de liquidation judiciaire. Les époux doivent respecter rigoureusement la stratégie mis en place initialement notamment le conjoint de l’entrepreneur individuel qui ne doit surtout pas se porter garant pour l’activité à risque.
L’EIRL, comme l’EURL, permettent de mettre à l’abri le patrimoine personnel en l’absence de garanties personnelles. Concernant la déclaration d’insaisissabilité, la jurisprudence rend cet outil intéressant lors des procédures collectives par différents arrêts récents. La déclaration d’insaisissabilité est opposable aux créanciers postérieurs à la déclaration. De même l’entrepreneur individuel peut lever cette déclaration au profit d’un ou plusieurs créanciers déterminés. Lors de la liquidation judiciaire, le liquidateur a pour objectif de défendre l’intérêt collectif des créanciers à la procédure pour tenter de les désintéresser (L641-4 Com.). Le débiteur possède une dualité de créanciers puisque certains verront la déclaration
d’insaisissabilité leur être opposable tandis que d’autres non. Le liquidateur devrait a priori pouvoir saisir l’immeuble déclaré insaisissable et désintéresser les créanciers dont la déclaration est inopposable. Néanmoins, le bien déclaré insaisissable se situe hors dessaisissement (Cass. Com., 28 juin 2011) : il est par conséquent hors des procédures collectives et le liquidateur ne peut vendre le bien.
De même, la jurisprudence a statué sur une déclaration d’insaisissabilité irrégulièrement passée en déclarant le liquidateur incompétent pour agir (Cass. Com, 13 mars 2012). Pour la cour, le liquidateur ne peut agir que dans l’intérêt collectif des créanciers et non dans l’intérêt individuel de certains créanciers. La contestation de la déclaration d’insaisissabilité n’étant opposable qu’aux créanciers postérieurs, le liquidateur s’écarterait de sa fonction qui est d’agir dans l’intérêt collectif visé à l’article L622-20 sur renvoi de l’article L641-4 du code de commerce.
Le liquidateur ne peut pas non plus annuler l’acte au titre de la nullité des périodes suspectes du fait que la déclaration d’insaisissabilité n’entre dans aucune des catégories énoncées par l’article L632-1 du code de commerce. L’acte reste alors valable même s’il est passé la veille de l’ouverture de la liquidation judiciaire.
De même, la cour de cassation a écarté la possibilité pour le liquidateur d’exercer l’action paulienne pour révoquer les actes d’appauvrissement accomplis en fraude des droits du créancier par le débiteur (Cass. Com., 23 avr. 2013, no 12-16.035). En effet, sur les mêmes fondements que l’arrêt du 13 mars 2012, elle a indiqué que le liquidateur judiciaire ne peut agir dans l’intérêt individuel de certains créanciers.
Cela signifie que le débiteur, voyant ses difficultés financières augmentées, peut déclarer sa résidence principale insaisissable en fraude des droits des créanciers postérieurs professionnels. L’immeuble ne sera alors pas vendu pendant la procédure collective mais les créanciers antérieurs pourront certainement le saisir une fois la liquidation judiciaire clôturée. La déclaration d’insaisissabilité se montre alors d’une efficacité redoutable lorsque la procédure collective apparaît. Particulièrement par le fait que, le seul bien foncier protégé constituerait approximativement l’essentiel de son patrimoine personnel.

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